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L’Algérie criminalise la colonisation française : une rupture historique et diplomatique
Depuis le 24 décembre 2025, l’Algérie a franchi une étape symbolique — et controversée — dans sa quête de reconnaissance historique : l’adoption d’une loi qui criminalise la colonisation française. Cette initiative, saluée par les autorités algériennes comme un acte de justice tardive, suscite des réactions mitigées en France, où le Quai d’Orsay qualifie cette mesure d’« initiative manifestement hostile ». Derrière ce vote parlementaire se cache une volonté politique forte : exiger des excuses officielles et des réparations pour 132 ans de domination coloniale.
Mais qu’est-ce que cette loi change concrètement ? Quels en sont les enjeux juridiques, diplomatiques et symboliques ? Et surtout, pourquoi ce revirement survient-il précisément aujourd’hui ? Plongeons au cœur d’un conflit mémoirel qui redéfinit les relations franco-algériennes.
Une décision historique au Parlement algérien
Le 24 décembre 2025, le Parlement algérien a adopté à une large majorité une loi visant à criminaliser la colonisation française sur son sol entre 1830 et 1962. Selon les termes de la législation, toute apologie ou négation de la colonisation est désormais passible de sanctions pénales, notamment des amendes et des peines d’emprisonnement. La loi va plus loin : elle exige que la France présente des excuses officielles et verse des réparations matérielles et morales aux victimes du système colonial.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large menée par Alger depuis plusieurs années. En 2021 déjà, le président Abdelmadjid Tebboune avait affirmé que « la France doit assumer son passé colonial », tandis que des commissions historiques bilatérales avaient été mises en place — sans aboutir à des résultats concrets selon les Algériens.
« Ce n’est pas une loi contre la France, mais une loi pour la vérité historique », a déclaré un député algérien lors du débat parlementaire, cité par Le Monde.
La mesure a été immédiatement relayée par les médias d’État algériens comme un triomphe de la mémoire nationale. À Alger, des manifestations spontanées ont eu lieu devant le Parlement, avec des pancartes brandissant des slogans tels que : « 1830–1962 : jamais oublié, jamais pardonné ».
Réactions en France : tension diplomatique et refus catégorique
La réponse française n’a pas tardé. Le Quai d’Orsay a réagi dans un communiqué officiel publié le 25 décembre, exprimant son « profond regret » face à cette législation. Selon Le Figaro, Paris juge cette initiative « manifestement hostile » et « contraire à l’esprit de dialogue » qui devrait régir les relations entre deux pays partageant une histoire complexe mais indissociable.
« Nous reconnaissons les souffrances passées, mais criminaliser l’histoire par le droit pénal n’est ni constructif ni conforme aux valeurs républicaines », a déclaré un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.
À l’Assemblée nationale, plusieurs députés ont appelé à une réponse ferme, allant jusqu’à évoquer des mesures de rétorsion économique ou culturelle. Cependant, aucune décision concrète n’a encore été prise. Le gouvernement français semble privilégier une approche diplomatique prudente, craignant de transformer un différend historique en crise bilatérale majeure.
Il est à noter que la France n’a jamais officiellement présenté d’excuses pour sa colonisation de l’Algérie. En 2005, Jacques Chirac avait reconnu les « crimes » du système colonial, mais sans formuler de demande de pardon. Emmanuel Macron, quant à lui, avait qualifié en 2021 la colonisation de « crime contre l’humanité », une première dans l’histoire diplomatique — mais sans engagement concret sur les réparations.
Contexte historique : pourquoi ce moment maintenant ?
Pour comprendre l’ampleur de cette décision, il faut replacer l’acte algérien dans son contexte historique et géopolitique.
La colonisation française de l’Algérie a duré 132 ans, marquée par des massacres systématiques (comme celui de Sétif en 1945), des expropriations massives de terres, une politique d’assimilation forcée et une répression brutale de toute aspiration indépendantiste. La guerre d’indépendance (1954–1962) a fait entre 300 000 et 1,5 million de morts selon les estimations, dont une majorité de civils algériens.
Depuis 1962, l’Algérie a toujours refusé de clore le chapitre colonial. Contrairement à d’autres anciennes colonies africaines, elle n’a jamais signé d’accord de coopération militaire ou économique à long terme avec la France. Les relations restent tendues, oscillant entre coopération pragmatique (notamment dans les domaines énergétiques et sécuritaires) et tensions récurrentes autour de la mémoire.
En 2020, la publication du rapport Benjamin Stora — commandé par Emmanuel Macron — avait été perçue en Algérie comme insuffisante. Le spécialiste de l’histoire coloniale recommandait des gestes symboliques (création de musées, archives communes), mais rejetait toute idée de réparations financières ou d’excuses formelles. Pour Alger, ce rapport était un « non-événement ».
Aujourd’hui, avec une génération de jeunes Algériens plus connectée à son histoire et moins dépendante économiquement de la France (grâce au développement des échanges avec la Chine, la Turquie et la Russie), le pays semble avoir trouvé le courage politique pour exiger justice historique.
Conséquences immédiates : diplomatie, économie et société
Sur le plan diplomatique, cette loi crée un fossé mémoirel sans précédent entre Paris et Alger. Les ambassades fonctionnent toujours, mais les échanges officiels se font plus rares. Le ministre algérien des Affaires étrangères a annulé une visite prévue à Paris en janvier 2026, invoquant « des raisons de principe ».
Économiquement, les deux pays entretiennent des liens importants : la France est le quatrième client de l’Algérie (essentiellement pour le gaz et le pétrole), tandis que l’Algérie reste un fournisseur stratégique pour l’Europe. Toutefois, Alger a accéléré ses partenariats avec d’autres acteurs mondiaux. En novembre 2025, un accord énergétique de 10 milliards d’euros a été signé avec la Chine,