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La lèpre revient en Europe : une menace réelle ou une alerte excessive ?
Depuis plusieurs semaines, une maladie ancienne, pourtant considérée comme éradiquée dans les pays développés, fait à nouveau parler d’elle : la lèpre. Des cas confirmés ont été signalés en Roumanie et en Croatie pour la première fois depuis plus de trente ans, relançant les inquiétudes sanitaires à travers l’Europe. Bien que la lèpre ne soit plus une urgence mondiale, son retour sur le Vieux Continent soulève des questions légitimes sur les systèmes de surveillance sanitaire, les déplacements humains et l’efficacité des traitements modernes.
Mais faut-il vraiment s’inquiéter ? La réponse n’est pas aussi simple qu’un oui ou un non. Derrière cette résurgence apparente se cachent des réalités complexes liées à la médecine, à la migration et à la mémoire collective d’une maladie souvent mal comprise.
Des cas inédits en Europe de l’Est : ce qui s’est passé
En décembre 2025, Le Figaro Santé a révélé la détection de plusieurs cas de lèpre en Roumanie et en Croatie, deux pays où la maladie n’avait plus été officiellement diagnostiquée depuis les années 1990. Ces cas, bien que limités en nombre, ont immédiattement alerté les autorités sanitaires européennes.
Selon les rapports officiels relayés par Doctissimo, les patients concernés présentaient des symptômes classiques de la lèpre : lésions cutanées hypo-pigmentées, perte de sensibilité dans les membres, et dans un cas, une atteinte nerveuse périphérique. Tous ont été rapidement isolés et mis sous traitement antibiotique multidrogue (TAM), conformément aux protocoles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
« Il s’agit de cas importés ou liés à des contacts avec des régions endémiques, mais cela montre que la lèpre reste une menace latente », explique un porte-parole du ministère roumain de la Santé, cité par ma-sante.news.
Ces découvertes ne traduisent pas une épidémie, mais plutôt une failles dans la surveillance épidémiologique et une rappel brutal que certaines maladies infectieuses, même considérées comme maîtrisées, peuvent réapparaître sous certaines conditions.
La lèpre : une maladie millénaire, encore présente ailleurs
La lèpre, aussi appelée maladie de Hansen, est causée par la bactérie Mycobacterium leprae. Elle se transmet par les gouttelettes respiratoires, mais uniquement après un contact prolongé et étroit avec une personne non traitée. Contrairement aux idées reçues, elle n’est pas très contagieuse, et son incubation peut durer plusieurs années — parfois jusqu’à 20 ans.
Historiquement, la lèpre a ravagé l’Europe médiévale, avant de disparaître progressivement avec l’amélioration des conditions de vie, l’hygiène et l’arrivée des antibiotiques dans les années 1940. Aujourd’hui, elle reste endémique dans certaines régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Selon l’OMS, environ 200 000 nouveaux cas sont recensés chaque année dans le monde, principalement en Inde, au Brésil et en Indonésie.
En France, par exemple, quelques dizaines de cas sont diagnostiqués chaque année, souvent chez des personnes originaires de zones endémiques ou ayant vécu longtemps à l’étranger. La maladie est traitée gratuitement et efficacement, avec un taux de guérison proche de 100 % si elle est détectée tôt.
Pourquoi la lèpre réapparaît-elle en Europe ?
Plusieurs facteurs expliquent cette résurgence inattendue :
1. Mobilité humaine accrue
Les déplacements internationaux, les migrations économiques et les flux de réfugiés ont augmenté les risques d’importation de maladies tropicales ou anciennes. Les cas récents en Roumanie et en Croatie concernent pour certains des individus ayant récemment séjourné en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud.
2. Retard de diagnostic
La lèpre est souvent mal diagnostiquée dans les pays où elle est rare. Les médecins généralistes européens, peu familiarisés avec ses symptômes, peuvent confondre les lésions cutanées avec d’autres affections dermatologiques, comme le psoriasis ou l’eczéma. Ce retard augmente le risque de transmission et de complications neurologiques.
3. Fragilité des systèmes de santé locaux
Dans certaines régions d’Europe de l’Est, les systèmes de santé publique sont sous-financés, avec des lacunes en matière de dépistage et de formation des professionnels. Cela rend la détection précoce plus difficile.
4. Stigmatisation persistante
Malgré les progrès médicaux, la lèpre reste entourée d’un stigmate social profond, hérité de siècles de persécution et d’isolement des malades. Cette honte dissuade parfois les patients de consulter, aggravant la propagation silencieuse de la maladie.
Quel impact sur la santé publique européenne ?
À ce stade, aucune épidémie n’est en cours en Europe. Les cas signalés sont isolés, et les mesures de confinement et de traitement ont été prises rapidement. Cependant, ces événements mettent en lumière des vulnérabilités structurelles.
L’Union européenne a réagi en renforçant la surveillance des maladies infectieuses rares via le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Des alertes sanitaires ont été envoyées aux pays membres, avec recommandation de former les dermatologues et les médecins de première ligne à reconnaître les signes précoces de la lèpre.
« Nous ne sommes pas face à une menace immédiate, mais à un rappel salutaire : la santé publique ne doit jamais baisser la garde », déclare un expert de l’ECDC interrogé par Doctissimo.
Sur le plan social, ces cas ravivent les peurs archaïques liées à la lèpre, notamment dans les communautés locales. En Roumanie, par exemple, des rumeurs sur des « quarantaines obligatoires » ont circulé sur les réseaux sociaux, alimentées par la méconnaissance de la maladie.
Le traitement aujourd’hui : efficace, mais sous-utilisé
La bonne nouvelle, c’est que la lèpre est entièrement curable.