alain duhamel

Alain Duhamel : L'Indépassable Chroniqueur Politique à la Croisée des Chemins

Alain Duhamel reste, des décennies durant, une figure omniprésente et incontournable du paysage médiatique français. Nommé à l'Académie des sciences morales et politiques en 2012, ce géant du journalisme politique a marqué l'histoire de la Vème République, côtoyant tous les grands dirigeants de la gauche comme de la droite. Si sa plume fine et son analyse acérée ont façonné la compréhension de notre vie politique pour des millions de Français, l'année 2025 aura marqué un tournant décisif dans sa légendaire carrière.

C'est un moment historique qui se joue pour le grand reporter et éditorialiste de Libération, du Monde et de La Nouvelle Revue. Après soixante ans de dévotion totale à l'analyse du pouvoir, le voilà qui fait son bilan, non sans une certaine mélancolie face à un monde journalistique en pleine mutation. Pourquoi ce départ à la retraite, annoncé puis suspendu, a-t-il autant agité le microcosme parisien ? Retour sur le parcours et l'actualité récente d'un monument médiatique.

Le Grand Départ : Une Retraite Annoncée et une Fidélité Inébranlable

Le cœur de l'actualité récente concerne le départ de la scène de ce témoin privilégié de l'histoire de France. Alain Duhamel, âgé de 85 ans en mai 2025, a finalement présenté sa toute dernière émission sur BFMTV ce jeudi 3 juillet 2025. C'est la fin d'une époque pour celui qui a présenté "Parlons Politique" pendant plus de vingt ans.

Cette décision de quitter la grille des programmes n'est pas arrivée par hasard. Comme il l'a confié à la revue Esprit dans un article traitant de la « dépossession démocratique », nous vivons une époque troublée. Duhamel perçoit une crise profonde de la représentation. Dans ce contexte, sa retraite s'apparente à la fin d'une ère de débat rationnel. Il est important de noter que si des rumeurs ont circulé sur un retour surprise ou une retraite avortée, les sources officielles confirment que l'émission du 3 juillet 2025 fut bien son adieu définitif au direct quotidien.

« Il y a beaucoup de gens qui ne veulent plus de débat, ils veulent du spectacle. » — Extrait de ses propos sur la nouvelle ère médiatique (Supplémentaire)

Avant de tirer définitivement sa révérence, Duhamel a multiplié les interventions pour tenter de décrypter ce rejet grandissant de la politique par les Français. Dans une interview célèbre, il déclarait : « On est entrés dans une phase de rejet de la politique de la part des Français ». Cette phrase résume bien l'état d'esprit du chroniqueur : inquiet pour la démocratie, mais lucide sur la fatigue du corps électoral.

Une Vie Dédiée à la Lecture et à l'Analyse

Pour comprendre la stature d'Alain Duhamel, il faut se pencher sur l'homme de culture qu'il est devenu. Dans un entretien au Point paru en décembre 2025, il révélait un détail fascinant sur sa condition d'intellectuel : « J'ai lu six heures par jour toute ma vie ». Cette dévotion à la lecture explique la profondeur de ses éditoriaux et sa capacité à relier le présent à des événements historiques lointains.

Né le 31 mai 1940 à Caen, Alain Duhamel a débuté au Monde en 1965. Il a traversé les présidences de De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac, Sarkozy, Hollande et Macron. Cette longévité exceptionnelle lui a permis de créer des liens privilégiés avec le pouvoir, tout en conservant une distance critique qui fait sa singularité. Membre de l'Académie des sciences morales et politiques et de l'Académie de Nîmes, son érudition n'est plus à démontrer.

Le Professeur et l'Éditorialiste

Au-delà de la télévision, Alain Duhamel a marqué les esprits comme enseignant à Sciences Po, formant des générations d'élèves à la pratique du pouvoir. Son style, subtil et dénué d'agressivité, contrastait avec le débat verre d'eau qui a envahi les plateaux télévision ces dernières années. Il cherchait toujours le sens de l'Histoire plutôt que le buzz immédiat.

Le Contexte d'une Démocratie en Tension

L'actualité d'Alain Duhamel ne peut être dissociée du climat politique délétère qu'il décrit. Dans ses derniers éditoriaux, il pointe du doigt une « dépossession démocratique ». Selon lui, les citoyens ne se sentent plus maîtres de leur destin, dépossédés par des processus technocratiques ou des dynamiques médiatiques échappant au contrôle politique.

Cette analyse rejoint les inquiétudes soulevées dans ses dernières interventions médiatiques. Il observe un rejet croissant de la politique traditionnelle, phénomène qu'il analyse avec la finesse d'un observateur aguerri. Il ne s'agit pas seulement d'une crise personnelle (son départ), mais d'une crise systémique du débat public.

Les Mémoires d'un Témoin

Dans cette période de transition, Duhamel a aussi pris le temps de faire un retour sur son propre parcours. Ses mémoires, ou ses interventions en club de lecture, sont l'occasion de rappeler que la politique fut pour lui une passion autant qu'un métier. Il confie souvent que sa longévité tient à une hygiène de vie intellectuelle stricte : celle de lire sans cesse, pour ne jamais être pris au dépourvu.

L'Héritage d'un Style Unique

Quel est l'impact immédiat de ce départ ? Pour la profession, c'est un trou béant. Alain Duhamel était l'un des rares à posséder une légitimité historique capable de calmer un débat houleux ou d'apporter de la nuance là où la violence verbale domine.

Une Voix dans le Désert

Dans ses dernières chroniques, Duhamel s'est souvent inquiété de la disparition de la "hauteur". La politique devenant un spectacle permanent, la réflexion de fond s'effaçait. Son départ coïncide avec cette crainte : qui prendra le relais pour porter cette analyse calme et documentée ?

Il faut aussi souligner sa capacité d'adaptation. De la radio aux journaux télévisés, puis aux chaînes d'information en continu et aux podcasts, Duhamel a su rester pertinent. Même à 85 ans, sa plume restait l'une des plus sollicitées de la place parisienne.

Perspectives d'Avenir : La Fin d'un Cicl ?

Si Alain Duhamel a officiellement quitté sa case quotidienne sur BFMTV, il est peu probable qu'il disparaisse totalement du paysage médiatique. Les hommes de sa trempe, passionnés par l'analyse du pouvoir, peinent à rester silencieux.

Toutefois, ce retrait marque la fin d'une génération de journalistes nés dans l'immédiat après-guerre, qui ont bâti leur réputation sur une connaissance intime des arcanes du pouvoir. L'avenir nous dira si son style, fait de courtoisie et de savoir, trouvera des héritiers dans une presse de plus en plus conflictuelle et rapide.

En attendant, le regard d'Alain