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La controverse sur la réouverture des maisons closes : un débat français relancé
En France, le débat sur la politique de la prostitution est une question récurrente et éminemment complexe, oscillant entre impératifs de santé publique, lutte contre l'exploitation et défense des droits humains. Aujourd'hui, une controverse récente a ravivé les passions : la proposition de réouverture des maisons closes, ou "maisons de tolérance", pour encadrer la prostitution. Portée par certains acteurs politiques, cette idée fait face à une opposition farouche de la part des travailleuses du sexe, des associations et d'intellectuels. Cet article explore les tenants et aboutissants de ce sujet qui agite l'opinion publique.
Le retour d'une proposition politique controversée
Le débat public a été secoué fin 2025 par une déclaration du président du Rassemblement National, Jordan Bardella. Ce dernier a officiellement soutenu une proposition visant à rouvrir les maisons closes. L'objectif affiché est de sortir la prostitution de la clandestinité pour mieux la réguler et protéger les personnes qui s'y livrent.
Selon les informations rapportées par Franceinfo, Jordan Bardella soutient cette mesure "pour réduire la prostitution dans des conditions insalubres et d'insécurité extrêmes". L'argument central repose sur le constat que la législation actuelle, souvent qualifiée de "système suédois" (qui pénalise les clients et non les prostituées), n'a pas réussi à endiguer la prostitution clandestine, laissant les travailleurs sexuels exposés à des dangers importants. Cette prise de position marque un tournant dans le discours politique, réactivant une polémique qui semblait jusqu'alors moins audible dans le débat national.
Des réactions divisées au sein de la société
Face à cette proposition, la réaction n'a pas été unanime. Loin des débats théoriques enflammés dans les hémicycles politiques ou les plateaux télévisés, la réalité du terrain offre une perspective nuancée, voire opposée.
La voix des concernées : un refus du retour en arrière
Les travailleuses du sexe elles-mêmes semblent majoritairement sceptiques, voire hostiles, à l'idée de voir les maisons closes rouvrir leurs portes. Dans un article du Parisien, intitulé de manière explicite "On ne peut pas revenir en arrière", plusieurs témoignages recueillis à Paris soulignent cette volonté de ne pas régresser.
Pour beaucoup, la réouverture de maisons closes équivaudrait à une institutionalisation de la prostitution sous un contrôle étatique strict, loin de l'émancipation espérée. Les craintes portent sur la peur d'une "mise au ban" de leur activité, d'une stigmatisation accrue et de la difficulté à sortir du système une fois dedans. Elles plaident souvent pour des solutions axées sur l'autonomie, l'accès au droit et la protection sociale plutôt que sur un encadrement carcéral ou administratif.
Le regard des observateurs : une vision "régressive"
L'intellectuelle et écrivaine Emma Becker, figure connue pour ses écrits sur la sexualité et son expérience passée dans le milieu, a également réagi. Dans un article publié par Le Point, elle qualifie la volonté de rouvrir les maisons closes de "vieux fantasme de boys club".
Cette critique met en lumière la dimension genrée et patriarcale du débat. Pour Emma Becker et d'autres, cette proposition ignore la réalité de l'exploitation systémique et se contente de vouloir "nettoyer" une réalité sociale dérangeante pour la rendre plus acceptable visuellement, sans s'attaquer aux racines du problème (précarité, traite des êtres humains, choix contraints).
Contexte historique : une législation en dents de scie
Pour comprendre la violence de ce débat, il faut se replonger dans l'histoire récente de la réglementation de la prostitution en France.
- Avant 2016 : Le système des maisons closes. Jusqu'en 1946, la France connaissait le système de la "réglementation", où la prostitution était tolérée dans des maisons closes surveillées par la police. Aboli par la loi Marthe Richard, ce système a laissé place à une période de tolérance zéro, sans pour autant résoudre les problèmes de fond.
- 2016 : L'adoption du modèle nordique. La loi du 5 avril 2016, dite "loi de pénalisation des clients", a marqué un changement de paradigme majeur. L'idée était de décriminaliser les prostitués (considérés comme victimes) tout en pénalisant solidairement les clients (considérés comme les acteurs de l'exploitation). Cette loi visait à appliquer une logique abolitionniste.
Cependant, huit ans après son application, le bilan est mitigé selon les observateurs. Si l'objectif était de réduire la prostitution, les opposants à la loi actuelle (comme le RN) pointent du doigt l'augmentation de la prostitution clandestine, de la précarité et de la violence envers les travailleurs du sexe, contraints de se cacher pour éviter les contrôles.
Les implications immédiates du débat actuel
La sortie de Jordan Bardella et les réactions qu'elle a suscitées ne sont pas anodines. Elles ont plusieurs conséquences immédiates sur le paysage social et politique français.
- Polarisation du discours politique : Ce sujet devient un marqueur politique clair. D'un côté, une vision sécuritaire et pragmatique (réguler pour contrôler) ; de l'autre, une vision abolitionniste et féministe (éradiquer pour libérer). Il n'y a pas de place pour le compromis facile.
- Visibilité accrue des travailleurs du sexe : La polémique a le mérite de remettre sur le devant de la scène les conditions de vie des personnes en situation de prostitution. Les questions de santé, de sécurité physique et d'accès aux soins refont surface dans le débat public.
- Pression sur l'opinion publique : Face à une insécurité perçue dans certains quartiers, l'argument de la "maison close" comme outil de pacification urbaine peut séduire une partie de l'opinion, créant un fossé avec la réalité vécue par les personnes concernées.
Perspectives d'avenir : vers une réforme ou un statu quo ?
Au-delà de la polémique médiatique, quelles sont les réelles perspectives d'évolution de la législation française ?
Le risque d'une fragmentation législative
Si la proposition du RN venait à être popularisée ou à influencer d'autres partis, on pourrait assister à un débat parlementaire houleux. La remise en cause de la loi de 2016 nécessiterait une majorité parlementaire solide. Or, le consensus républicain sur l'abolitionnisme (porté par une grande partie de la gauche et de la droite traditionnelle) reste majoritaire à l'Assemblée nationale. Il est donc peu probable d'assister à un changement législatif rapide.
Le besoin de solutions pragmatiques
Quelle que soit la position idéologique, un constat émerge : la situation actuelle n'est pas satisfaisante pour tout le monde. Le futur du débat pourrait se déplacer vers des solutions intermédiaires. * Baisse de la précarité : Comment offrir des alternatives économiques réelles aux personnes qui se prostituent par nécessité ? * Santé et sécurité : Comment garantir l'accès aux soins et la protection contre les violences, y compris en dehors d'un cadre institutionnel strict ? * Lutte contre le trafic : Comment renforcer la lutte contre les réseaux d'exploitation, qui prospèrent sur la clandestinité ?
L'intérêt de cette controverse récente est de souligner que la
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